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Les nouvelles réglementations financières et leur impact sur les institutions bancaires

Dans un monde en constante évolution, les institutions bancaires font face à un défi perpétuel : s’adapter aux nouvelles réglementations financières. L’article qui suit explore en détail l’impact de ces réglementations financières sur le secteur bancaire.

Les institutions financières évoluent dans un environnement hautement réglementé, soumis à des normes strictes visant à garantir la solidité et la stabilité du système bancaire. Ces dernières années, de nouvelles réglementations financières ont été adoptées, impactant fortement le fonctionnement des banques. L’un des tournants majeurs a été l’introduction des accords de Bâle III établissant des exigences renforcées en matière de fonds propres et de gestion des risques. L’objectif est de prévenir les crises financières en renforçant la résilience des établissements bancaires.

Ces nouvelles normes impliquent des changements profonds pour les institutions financières, tant au niveau opérationnel que stratégique. Elles doivent adapter leurs processus pour se conformer aux obligations réglementaires accrues. Cela engendre des coûts importants liés à la mise en conformité.

Dans cet article, nous analyserons en détail l’impact des récentes réglementations financières. Nous verrons les mesures phares et leurs implications pour les banques. Puis, nous aborderons les stratégies d’adaptation mises en place par les établissements financiers face à ce nouveau paradigme réglementaire.

Compréhension des réglementations financières

Les réglementations financières désignent l’ensemble des lois et des règles qui encadrent le secteur bancaire et financier. Elles visent à garantir la stabilité du système financier, à protéger les épargnants ainsi qu’à lutter contre les risques tels que le blanchiment d’argent. Ces réglementations financières ont beaucoup évolué dans le temps, en particulier suite aux crises financières qui ont révélé certaines failles du système. On peut citer notamment la Grande Dépression des années 1930 qui a conduit à une régulation accrue aux États-Unis avec le Glass-Steagall Act. Plus récemment, la crise des subprimes de 2007-2008 a mis en lumière l’insuffisance des régulations et la nécessité de les renforcer.

D’un autre côté, les accords de Bâle ont constitué une étape majeure dans le développement de standards prudentiels internationaux. Initiés en 1974, ils fixent des exigences minimales en fonds propres et en liquidités pour les banques. Bâle III, entré en vigueur en 2011, a considérablement renforcé les exigences de Bâle II datant de 2004. Bâle III a établi des normes internationales pour accroître la solidité du secteur bancaire. Les principaux piliers sont :

  • un ratio de solvabilité minimum avec des fonds propres de qualité supérieure ;
  • la surveillance du risque de liquidité à court et long terme ;
  • l’introduction d’un ratio structurel de liquidité à long terme (NSFR) ;
  • l’introduction d’un coussin de fonds propres supplémentaire.
Réglementations financières

Impact des réglementations financières sur les institutions bancaires

Renforcement de la stabilité financière

Avant toute chose, il faut savoir que la réglementation Bâle III repose sur 3 piliers principaux. Le pilier 1 impose un ratio de solvabilité minimal de 8 % ainsi qu’un ratio de levier de 3 %. Les banques doivent détenir suffisamment de fonds propres de haute qualité pour absorber les pertes en cas de crise. Le pilier 2 concerne le processus de surveillance prudentielle. Les autorités de supervision examinent les modèles internes des banques pour évaluer leurs risques. Elles peuvent exiger des exigences de fonds propres supplémentaires. Le pilier 3 traite de la discipline de marché par la transparence financière. Les banques doivent publier des informations détaillées sur leurs fonds propres, leur exposition aux risques, etc.

Pour se conformer à Bâle III, les banques ont dû renforcer drastiquement leurs dispositifs de gestion des risques. Par exemple, BNP Paribas a mis en place une fonction de gestion des risques indépendante des métiers. Plus de 1 200 collaborateurs y travaillent à travers le monde. Ils utilisent des modèles quantitatifs élaborés pour calculer les risques de crédit, de marché, opérationnels. La Société Générale a de son côté développé le programme CGMP qui vise à industrialiser la collecte d’informations pour améliorer la surveillance des risques en temps réel. Près de 600 millions d’euros ont été investis dans ce programme depuis 2011.

Conformité KYC/AML

KYC (Know Your Customer) et AML (Anti Money-Laundering) sont deux processus réglementaires clés visant à lutter contre la criminalité financière. Le KYC impose aux banques d’identifier précisément leurs clients et de vérifier leur identité. Cela passe par la collecte de justificatifs d’identité et de preuves de domicile. L’AML, à son tour, consiste à détecter les opérations suspectes qui pourraient dissimuler du blanchiment d’argent ou du financement du terrorisme. Les banques surveillent les transactions et signalent les activités inhabituelles aux autorités.

Les moyens alloués à la conformité KYC/AML ont explosé. BNP Paribas comptait 3 600 collaborateurs dédiés à la conformité en 2011, contre près de 8 000 en 2021. L’utilisation d’IA et de machine learning s’est généralisée pour détecter les transactions à risque parmi des volumes croissants de données. En tout, les banques utilisent différents moyens technologiques et humains pour renforcer la sécurité des transactions.

Mesures prises pour renforcer la stabilité financière

Les autorités de régulation ont pris des mesures concrètes pour renforcer la solidité du système bancaire en complément des accords de Bâle III. Pour cela, des tests de résistance aux crises financières se font régulièrement. Il s’agit d’exercices de simulation de crise conduits par l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) depuis 2011. Les banques sont soumises à des scénarios de choc extrêmes (krach boursier, récession, etc.) pour évaluer leur résilience. En 2021, les 50 plus grandes banques de l’UE ont été testées. Le scénario prévoyait une récession sévère avec une chute du PIB de 3,6 %. Les banques françaises ont montré leur robustesse, avec un ratio CET1 moyen résistant à 9,9 % dans ce scénario adverse.

Par ailleurs, les exigences globales de fonds propres ont été significativement relevées en Europe. Le ratio de solvabilité minimal est passé de 2 % dans les années 1990 à 8 % avec Bâle III. En France, le Haut Conseil de Stabilité Financière a imposé un coussin de fonds propres contra-cyclique au-delà de Bâle III. De 0,25 % en 2015, il a été porté à 0,5 % en 2018 puis à 1 % en 2022 pour prévenir l’emballement du crédit. Ces exigences accrues visent à constituer un matelas de sécurité permettant d’absorber les pertes en cas de nouvelle crise systémique.

Réglementations financières

Adaptations des institutions bancaires

Changements organisationnels et opérationnels

Les banques ont dû mener des réorganisations en profondeur pour s’adapter aux nouvelles exigences réglementaires. En effet, les nouvelles exigences de conformité ont nécessité de renforcer considérablement les équipes dédiées. BNP Paribas a multiplié par 3 ses effectifs en conformité entre 2011 et 2021 pour atteindre 8 000 salariés. De plus, des programmes majeurs de transformation ont été lancés pour faire évoluer les systèmes d’information et les processus internes afin de répondre aux nouvelles normes prudentielles. Enfin, les fusions-acquisitions se sont accélérées dans le secteur bancaire européen pour mutualiser les investissements liés aux réglementations. En France, nous pouvons prendre le cas de BNP Paribas qui a acquis BNL en Italie et LaSer en Allemagne.

Technologies financières (FinTech) et réglementations financières

Les FinTech sont des startups qui utilisent les nouvelles technologies pour innover dans les services financiers tels que les paiements, les crédits, la banque en ligne, la gestion d’actifs, les assurances, etc. On distingue alors plusieurs catégories de Fintech, dont :

  • les néo-banques 100 % mobiles comme N26 ou Revolut qui ciblent les particuliers ;
  • les plateformes de financement participatif (crowdfunding) comme KissKissBankBank ;
  • les technologies blockchain pour les paiements comme Bitpanda ;
  • le robo-advising pour la gestion automatisée d’actifs comme Yomoni.

Les Fintech bousculent le secteur bancaire en exploitant la technologie pour offrir des services rapides, flexibles et à moindre coût. Face à l’agilité des Fintechs, les banques traditionnelles cherchent à s’associer avec ces startups via des partenariats ou en les rachetant. Par exemple, BNP Paribas a noué un partenariat avec Gambit pour utiliser leurs algorithmes de trading automatisé. De son côté, La Société Générale a racheté la Fintech Treezor pour son expertise en solutions de paiement innovantes.

Cependant, les autorités réglementaires gardent un oeil vigilant sur l’essor des Fintechs. Elles cherchent à protéger les consommateurs contre les risques d’une innovation financière trop rapide tout en encourageant la concurrence favorable aux clients. Un équilibre doit être trouvé entre soutien à l’innovation et sécurisation du secteur. La réglementation des Fintech évolue donc progressivement. Par exemple, en 2018 l’ACPR a mis en place un régime ad hoc pour réguler les prestataires de services d’information sur les comptes.

Des stratégies adoptées par certaines banques pour s’adapter à l’évolution du système bancaire

Société Générale a créé en 2011 la direction des Affaires Publiques pour coordonner la veille et l’analyse des évolutions réglementaires. Elle a également mis en place un comité hebdomadaire réunissant risk managers et managers opérationnels. BNP Paribas a lancé en 2015 un plan de transformation opérationnelle « Simple & Efficient » pour industrialiser ses processus internes avec un objectif de réduction des coûts de 3 milliards d’euros. Crédit Agricole a développé le projet « Étoile » visant à refondre les dispositifs de gestion des risques des Caisses régionales en se dotant d’outils de modélisation et de consolidation des risques à l’échelle du Groupe.

Réglementations financières

Défis et enjeux

Les nouvelles réglementations financières représentent des coûts substantiels pour la mise en conformité des banques. Rien que pour se conformer à Bâle III, les estimations font état de coûts de mise en œuvre totaux de plus de 100 milliards d’euros au niveau mondial. Pour les banques françaises, la facture dépasserait 10 milliards d’euros selon l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution.

Ces coûts comprennent notamment le renforcement des fonds propres estimé à 68 milliards d’euros au niveau des banques européennes. Ils incluent également les investissements colossaux dans les systèmes d’information et les recrutements massifs d’experts en conformité. Au-delà des coûts directs, l’impact en termes d’organisation et de gestion de projet est majeur. Les banques ont dû mobiliser des milliers de collaborateurs pour mener à bien ces transformations internes. La Banque Postale a par exemple initié en 2018 un vaste programme de mise en conformité baptisé Pollux, associant plus de 500 experts internes.

En cas de manquement aux nouvelles réglementations financières, les sanctions peuvent être très lourdes. Les amendes infligées par les autorités de supervision se sont considérablement alourdies. De plus, une faillite dans la conformité peut entraîner un grave préjudice de réputation. Par exemple, la Deutsche Bank s’est vu infliger une amende record de 2,5 milliards de dollars en 2015 par les autorités américaines et britanniques pour des défaillances dans ses processus de lutte anti-blanchiment et de respect des sanctions.

Face à ces nouvelles contraintes, la concurrence s’intensifie entre acteurs bancaires traditionnels et nouveaux entrants tels que les néo-banques et les FinTech. Ces startups, sans réseau d’agences physiques, parviennent à offrir des services innovants à moindre coût grâce à l’optimisation des parcours digitaux. Elles attirent ainsi de plus en plus de clients, notamment parmi les jeunes urbains connectés. N26 revendique plus de 8 millions de clients dans 25 pays. Même si leur part de marché reste encore limitée, leur dynamisme pousse les banques classiques à accélérer leur transformation digitale.

Conclusion

Au terme de cette analyse, force est de constater que l’avènement de Bâle III et des nouvelles réglementations financières a constitué une secousse tellurique pour les banques, contraintes de repenser en profondeur leur fonctionnement. Face à un cadre prudentiel considérablement renforcé, visant à prémunir le système bancaire contre de nouveaux séismes, les institutions financières ont dû mener des mutations majeures. Leur marge de manœuvre s’est réduite tandis que les exigences de conformité se sont accrues.

De la refonte des structures de gouvernance à la révision des modèles internes de gestion des risques, les banques ont déployé des programmes titanesques de mise en conformité. En parallèle, l’avènement des FinTech bouleverse les positionnements concurrentiels. Il s’agit désormais pour les acteurs bancaires traditionnels de trouver l’équilibre entre robustesse financière, agilité opérationnelle et capacité d’innovation. L’enjeu est de taille pour relever les défis futurs dans un environnement au rythme toujours plus effréné.